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Psychologie

Nuit noire sur une page blanche…

25 octobre 2007

Michel Roy

La page est blanche, immaculée, pour ne pas dire vierge. Elle n'attend que moi pour prendre vie et couleur et me révéler à tous avec une pointe d'impudeur! Mais pour l'instant elle est blanche, offerte aux idées les plus folles… comme celle d'écrire cet article sur la page blanche… La page blanche est pleine de promesses, d'anticipation plaisante… Mais elle est là, passive. Elle attend que j'agisse, que je montre de quoi je suis capable. Elle me nargue gentiment : allez, détends-toi, laisse-toi aller, fais voir ta créativité, exprime-toi! Peu à peu, devant ce territoire vierge, s'installe un léger malaise, diffus, mais tenace.

J'ai chaud. J'ai envie de voir ce qui se passe ailleurs, dehors. De toute façon, je ne suis pas pressé. Je veux me laisser inspirer et une page blanche, ce n'est pas très inspirant. Quoi dire? Comment le dire? Ah, ce n'est pas ma journée. J'ai sûrement quelque chose de mieux à faire. Je te reverrai plus tard, page blanche, ne t'inquiète pas… Mais je ne peux pas laisser tomber. Il y a cette échéance que je ne peux dépasser. Et ce maudit papier que je dois noircir avec quelques idées intelligentes, un propos bien tourné. Car cette page sera mon «présentoir», ma carte de visite : «Tiens, c'est ce qu'il pense… C'est ainsi qu'il s'exprime… Drôle de style, drôle de personne probablement!» Et si je laissais tomber? Impossible. Je ne peux plus reculer.

Rame, rame, rame donc, le tour du monde nous ferons…

Tout ce qu'il me reste à faire, c'est d'avancer, de poser un mot devant l'autre et de commencer à écrire. Un mot devant l'autre. Écrire. N'importe quoi mais le faire. Sortir de ma paralysie et de mon désir d'avoir du génie. Placer un mot et un autre et un autre et finir par faire une phrase, accoucher d'une idée… et recommencer. C'est la seule façon de m'en sortir. Produire. Bien sûr, ce n'est pas très bon, mais j'ai déjà presque rempli une page blanche. Voilà enfin une matière sur laquelle je peux travailler, un morceau brut de ma pensée que je pourrai peaufiner, raturer au besoin, même jeter à la poubelle et recommencer. Non, ce n'est pas le flot d'idées jaillissantes que j'espérais. Ça ressemble plutôt à un mince filet, mais c'est quand même une source de sens que je suivrai, que j'alimenterai et qui me mènera peut-être au torrent. Peut-être pas. Mais au moins, je bouge, je crée, je travaille.

Ma pensée a pris son erre d'aller. Ça m'encourage. Et au moment où je me rends compte que ça y est, que je suis parti, je perds le fil et… plus rien. Ça se peut pas! C'est pas vrai. Non! Ça ne va pas recommencer. Non! Je n'ai qu'une page et il m'en faut deux. Je n'y arriverai donc jamais. Eh, oh, minute! Ce n'est pas en m'énervant de la sorte que je m'en sortirai. D'abord me calmer, respirer par le nez… Attendre un peu… Me distraire quelques minutes peut-être, marcher, respirer à fond…

Harmonie du soir… sur le papier

Bizarre de processus que celui de la création. Rien n'est jamais acquis. Des fois, ça vient tout seul, c'est tellement facile. Je me sens alors si brillant. D'autres fois, c'est le contraire, il faut bosser, endurer les affres du vide, chercher, se battre au corps à corps avec soi pour ne pas s'enfuir… Dans ces moments-là, j'ai bien peur d'être une cruche.

Mais je persiste, je tiens bon et, en désespoir de cause, je me décide à aligner un mot et un autre et à recommencer à écrire. N'importe quoi... J'aurai bien le loisir après de réviser, de corriger et, peut-être, finalement, pourquoi pas, d'apprécier le fruit de mon travail. Qu'en diront les autres? Je ne sais pas. Verront-ils l'effort? Pas sûr. Est-ce qu'ils aimeront? Je l'espère. Tout compte fait, moi, je serai satisfait, parce que, devant la page blanche, je n'aurai pas abdiqué. J'aurai affronté mes démons, mes peurs, ma paralysie, et j'aurai écrit, un mot à la fois, le fond de ma pensée. C'est tout ce que je pouvais faire et je l'ai fait, bel et bien fait. Advienne que pourra!

Et puisqu'il faut que j'ajoute quelques lignes pour contenter mon rédacteur en chef, je vous assure que le texte qui précède décrit ce qui m'est arrivé en écrivant cet article. Parti de rien ou à peu près pour arriver à quoi? À vous intéresser à poursuivre la lecture jusqu'au bout, à ce que je vois. À décrire un processus et des angoisses que vous connaissez sûrement vous aussi. Finalement, à ne pas être trop mécontent du résultat. Maintenant, advienne que pourra!

En collaboration avec le Service de psychologie et d'orientation